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Photo: REVELATION
Je ne suis pas venu à la photographie en admirant le travail
de grands artistes, ni l’esthétique d’œuvres majeures.
Le choc originel, le déclic s’est produit dans la
confidentialité d’un petit laboratoire amateur éclairé de la lumière rouge
d’une ampoule inactinique.
Mon ami Guillaume m’y fit découvrir le processus de tirage
d’une image noir et blanc. Après qu’il eut plongé le papier, brièvement exposé,
dans le révélateur, la feuille vierge s’anima, à mon grand étonnement, de
l’apparition progressive d’une photo.
Je n’ai pas de souvenir exact de ce que représentait l’image,
mais me rappelle avec précision de la puissante émotion qui me traversa.
Je pris instantanément la décision de consacrer ma vie à cette
« magie ».
Je n’avais que 18 ans.
Il m’aura fallu le temps qui sépare ce moment de l’approche
de ma cinquantaine pour enfin conscientiser le fait que, plus que l’objet
photographique, c’est la visualisation de sa révélation qui m’avait à ce point
troublé.
Ma découverte du tirage a tout simplement frappé mon
inconscient, anticipant et définissant la direction qu’allait prendre mon
destin. Je n’ai fait que chercher depuis, au cœur des images, quelque chose qui
ne cessait de m’échapper.
Il faudrait plutôt dire quelqu’un, car c’est de moi dont il
s’est toujours agit.
La photographie a fini par ne m’intéresser qu’en tant que
signalétique d’un chemin de vie menant à une forme d’éveil.
Mon travail est devenu un flux, un support transitoire entre visible
et invisible, une méditation.
Plutôt que de chercher à réussir de "belles
photos", j’apprend à concentrer ma vigilance vers l’énergie qui
canalise ma production, l’insondable langage qui la sous-tend. Il n’y a
pas d’autre voie que l’intuition pour en sentir la trame.
L’esthétisme, cette paresseuse tentative d’atteindre la
beauté, confine la photographie à un moindre niveau d’expression. Il ne donne à
voir qu’un désir illusoire de perfection, négation arrogante de la totalité du
monde.
Finir par confondre une esthétisation restreinte de la vie
avec la vie elle-même, minimiser ses facultés sensorielles dans l’univers
falsifié des images, est le prix à payer pour le déficit d’introspection qui
mine notre modernité.
L’exploration de soi, non pas dans l’esprit de l’individualisme
forcené qui nous gouverne, mais dans une recherche authentique et profonde de
sens, est, j’en suis convaincu, la plus cohérente direction que l'on puisse
emprunter.
Produire continuellement des photos, en tant que reflets de
soi projetés vers l’extérieur, c’est me mirer pour me comprendre, au delà de ce que je crois savoir de mon identité.
HR
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