La prise de vue sollicite une forme d’instinct. En
photographiant, j’essaie, autant que possible, d’enregistrer la pure
sensation produite sur moi par le sujet, sans penser à ce que je vois.
En revanche, mon sens critique, mon savoir culturel ainsi
que d’inévitables efforts stratégiques s’exercent lors de la sélection, parmi
les photos prises, de celles que je décide de garder.
Tout photographe artiste travaille à définir et entretenir sa
vision du monde. C’est à dire son style, sa singularité, ce qui le rend unique
et reconnaissable.
C’est la raison pour laquelle il lui arrive d’éviter
certains sujets jugés trop communs. Parmi les clichés proscrits figurent,
notamment, ceux qu’affectionnent la plupart des photographes amateurs.
En ce qui me concerne, le traditionnel coucher de soleil sur la mer,
les sourires enfantins, les monuments historiques et autres vieillards
exotiques me font l’effet d’épouvantails.
Pas question, en effet, de se conformer à toute norme
susceptible de mettre en péril l’intégrité de mon langage.
Pourtant, dans ma quête éperdue d’une beauté sans artifice,
extraite de la vie « réelle », il m’arrive d’être sujet aux mêmes
émerveillements que n’importe qui.
La découverte soudaine d’un arc en ciel lors d’une ballade en bord de
mer, par exemple, ne peut qu’activer mon désir de prendre une photo.
S’il m’est difficile de résister à pareille opportunité, ce
type d’image a peu de chance, habituellement, de passer le filtre de mon jugement final.
En publiant l’image ci-dessous, je fais le choix délibéré
d’écarter mon surmoi créatif en rejoignant la communauté globale des
photographes spontanés. Celles et ceux qui ne photographient que dans le but de
partager une plaisante trouvaille visuelle ayant traversé leur vie quotidienne.
HR