14/09/2015

Texte: INVERSION


L'ENVERS DU MONDE

Je ne cesse de le répéter, une photographie n’est que le reflet trompeur d’une réalité illusoire. Une simple réflexion que l’on aime prendre pour "vraie". C’est de là, précisément, que peut émerger la duperie.

C’est une des raisons pour lesquelles j’aime l’idée d’explorer les potentialités offertes par la version inversée d’une photo, son aspect négatif. La photographie se rapproche alors de son origine, redevient une abstraction, une ingénieuse technique d’enregistrement de phénomènes lumineux. Son lien au réel est relégué au second plan. Le processus optique d’où surgissent les images est mis à nu, nous dévoilant leur squelette.

Les lignes et formes conservent leur intégrité, tandis que les couleurs, les lumières et les ombres sont inversées. Le sens est perverti, l’illusion réaliste compromise. Il n’y plus qu’étrangeté, perturbation et distorsion. L’imaginaire est libéré, les fantômes démasqués.

En photographie argentique, il n’y a pas d’image "positive" sans support négatif, de même qu’il ne peut y avoir de lumière sans ombre. Comme le Yin et le Yang, ce sont deux expressions contradictoires de l’unité, qui élargissent le spectre des possibles, en fécondant la création.

Une image négative est une invitation à regarder derrière, en dessous et au-delà. Elle déplace notre vision, en travesti les repères.

Telle une initiation à d’autres dimensions, elle nous pousse à nous livrer au jeu des devinettes, à tenter de discerner l’endroit en décodant l'envers. 

Mais il vaut bien mieux perdre cette partie-là, et se laisser entrainer par-delà les signes, vers les abîmes de la vision, les soubassements de la représentation.

Une version camouflée du contenu des photos nous est révélée par effet de miroir, dans un reflet  complémentaire.

HR