Ce qui nous a frappés ce vendredi 13 Novembre
2015 est bien plus qu’un décompte de morts. Ce dernier peine d’ailleurs à
cerner la démesure d’une tragédie dont l’ampleur nous submerge.
Quelques jours après ce drame (toujours actif
à l’heure actuelle) se déroulent dans les médias officiels et sociaux, les
réactions les plus variées.
La haine y côtoie la fraternité, la peur
l’apaisement, la compassion l’humour, les volontés belliqueuses
les appels au calme. Chacun y va de son commentaire, sa participation au
forum global où s’extériorisent, à chaud, les émotions et opinions.
Tout ce brouhaha, ce flux continu
d’informations (produit en expansion de notre modernité) me semble brouiller le
jeu du réel. J’y ressens une incapacité à comprendre notre monde, à en saisir l’extrême
complexité.
Des mots et des images défilent sous nos
regards saturés, incapables d’en démêler le sens, d’en reconnaître la source.
Des symboles d’une puissance inouïe nous
traversent et nous bouleversent, sans que nous ayons le temps, ni le recul,
d’en maitriser l’impact.
Face à ces
événements, j’ai pris acte, une fois de plus, d’une grande difficulté à composer
avec ce que nous nommons réalité, qui semble se dérober à nos consciences.
Ce constat m’a
contraint, depuis longtemps déjà, à faire le choix de la subjectivité, de l'intimisme. Partant du postulat que nous ne pourrons jamais être sûrs que de ce
que nous expérimentons et ressentons au quotidien, j’ai érigé le « journal
fantasmé » en recours salvateur face au rouleau compresseur de l’information,
qui trompe nos esprits plus qu’il ne les élève.
Je laisse aux
journalistes professionnels ou amateurs, et autres commentateurs de tous bords,
le soin de jouer leur rôle, sans doute légitime, sur l’échiquier planétaire, en
défendant les intérêts qu’ils jugent supérieurs.
Celui de
l’artiste reste, selon moi, d’explorer d’autres espaces, d’autres dimensions du
monde. Je crois fermement dans l’intériorité comme lieu véritable de réflexion
sur ce que nous sommes et souhaitons devenir, en tant qu’humains. Et je crois cette
introspection, aujourd’hui plus que jamais, indispensable.
Utiliser l’image
photographique pour explorer et traduire sa subjectivité - de la façon la plus
honnête qui soit - relève d’une volonté de rester au plus près d’une forme de
vérité. Celle de l’expérience du corps et d’une conscience aux aguets, mais (autant
que possible) dépassionnée. Un esprit indépendant du dangereux égrégore généré
par le stress collectif.
Voyager en
soi-même, avec l’incohérence du rêve, pour mieux flairer les dérives de son temps; s’ériger
en auteur conscient de sa réalité, en proposer le témoignage à ses semblables, comme
pour dire NON à ce qui nous est imposé, OUI à la liberté, à l’amour, à la vie
au présent, c’est mon unique réponse à la logique guerrière.
Je choisis donc,
encore et toujours, la poésie comme alternative à l’anxiogène morbidité de
l’hyper actualité si habilement manipulée.