31/01/2016

30/01/2016

28/01/2016

CINEMA. New Territories/ premier long métrage de Fabianny Deschamps

New Territories traite du rapport à la mort, au delà de la mort. Rien d’étonnant, par conséquent, au fait que ce film ai choisi pour théâtre un territoire frontalier. Une zone où se croisent et fusionnent l’Orient et l’Occident.

Mais sa situation géographique reste floue, indécise, car c’est dans le sillage d’un fantôme que nous flottons, d’un bord à l’autre de la frontière qui sépare la Chine continentale de l’archipel hongkongais.

La photographie expressionniste de Tommaso Fiorilli nous transporte, de jour comme de nuit, au plus près d’un tissu urbain, tantôt grandiose et futuriste, tantôt décomposé, conquis par la moiteur.

Enveloppé dans une lumière humide et hanté par la voix off d’un personnage féminin absent, le film questionne, entre deux mondes, la rencontre dramatique de deux traditions mortuaires.

L’auteure et réalisatrice y déploie un récit sophistiqué et envoutant, mis en musique par Olaf Hund, et magnifié par la silhouette et le masque spectral d’une Eve Bitoun littéralement habitée par un rôle qui lui va comme un gant. 

A voir, sans hésiter
HR

Capture d'écran

27/01/2016

26/01/2016

Texte: No comment

Charlotte Rampling (Paris, 2001)

 NI POUR, NI CONTRE

Je vois tellement de polémiques enfler autour de moi !

C’est un signe des temps. Celui des médias sociaux, où tout le monde donne son avis sur tout. Où la moindre phrase est commentée, passée au crible d’opinions contradictoires. Il n’est question que de diffuser ce que l’on pense, ce que l’on aime ou n’aime pas, comme pour dire qu’on existe, et que l’on appartient à telle ou telle communauté d’idée, de goût. Et que l’on a raison d’être ce que l’on est. Et que les autres ont tort, que tout est de leur faute, et qu’ils sont responsables du chaos mondial.

Et bien j’affirme que chaque participation à une polémique, ou un débat, n’est, ni plus ni moins, qu’un prétexte à renforcer son propre égo. 

Alors que faut-il faire ?

Se désintéresser de la société ? S’isoler de ses semblables ? Quitter la vie moderne ?

C’est une option possible, mais peu convaincante en ce qui me concerne. Car j’avoue éprouver une réelle fascination à observer ce théâtre, qui m’offre l’opportunité, non négligeable, de me confronter à moi-même.

Par exemple, la récente polémique sur la déclaration de Charlotte Rampling concernant la menace de boycott brandie par la communauté noire américaine pour protester contre le manque de diversité des Oscars, m’a beaucoup intéressée.

Qu’a dit Charlotte Rampling au micro d’une journaliste française qui l’interrogeait à ce sujet ?

Qu’elle estimait qu’il s’agissait de « racisme anti blanc ». Et que peut-être qu’aucun acteur noir ne méritait d’accéder cette année au plus haut niveau de la course aux Oscars.

Je conviens que ses propos aient manqué de délicatesse, dans le contexte actuel de tensions identitaires et de libération de la parole raciste.

Mais que sait-on de Charlotte Rampling ? Qu’elle est une actrice d’origine britannique (fille d’un père officier de l’armée de sa Majesté), connue jadis pour sa grande beauté, son talent, et sa filmographie audacieuse (voire sulfureuse), et plus récemment pour l’intelligence et le courage avec lesquels elle assume, face au public, les outrages de l’âge.

Une personnalité hors norme, donc. Une femme cultivée, exigeante et secrète, qui semble prêter plus d’attention à son engagement artistique qu’aux jugements primaires d’autrui.

Elle a donc dit ce qu’elle pensait, exprimé sa colère, son agacement, face à une situation qu’elle n’approuvait pas. Elle l’a fait sans tricher, ni censurer son opinion à l’intention des médias.

Je suis Noir et n’aime pas entendre de tels propos, mais je suis bien placé, aussi, pour savoir à quel point ce qu’elle a nommé « racisme anti blanc » n’a rien d’une injure. Je le qualifierais plutôt de frustration, voir d’aigreur, vis à vis de la domination blanche. Sentiment largement partagé par la plupart des Noirs vivant en Occident, et que l’on peut aisément comprendre en se retournant sur l’histoire. D’autant qu’il est alimenté, partout, par les nombreuses injustices, brimades et discriminations infligées aux diverses diasporas africaines.

Mais je suis conscient, aussi, des sentiments mêlés de supériorité, de condescendance, de honte et de culpabilité qui animent les esprits d’un nombre non négligeable de Blancs. Imbus de l’orgueil d’un leadership séculaire sur le reste de l’humanité, et fier d’être identifiés au groupe qui a façonné la modernité, certains souffrent de voir, avec l’effondrement de la civilisation occidentale, se révéler la folie mégalomane et destructrice du projet capitaliste.

Qui, des présumées victimes ou des présumés bourreaux aura la sagesse de se défaire du fardeau qui les accable ? Qu’est ce qui réconciliera ces deux humanités au passé commun si chargé de violence et de haine?

Les traces de l’histoire sont inscrites dans nos chairs. Il est compréhensible qu’elles refassent surface ici et là, à travers une pensée, une phrase ou un simple mot.

Non, je n’en veux pas à Charlotte Rampling de s’être exprimée comme elle l’a fait. Elle n’a manqué de respect à personne, a simplement livré son opinion. Et quand bien même elle serait convaincue d’appartenir à quelque caste ou race supérieure, comment le lui reprocher, au cœur d’une société si fortement imprégnée d’idéaux élitistes ? En ces temps de crise, l’hypocrisie bien-pensante ne suffit plus à contenir l’expression de réalités secrètement admises de presque tous.  

« Dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas » est devenu monnaie courante. C’est le signe que quelque chose se fissure de l’idéologie occidentale, que s’ouvre une brèche dans la forteresse de ses illusions égalitaires.

Faut-il s’en réjouir ou s’en plaindre?

En guise de réponse, je propose, une fois de plus, l’introspection.

Au fond, quoiqu’extrêmement fier de mes racines haïtiennes, je ne me considère ni comme noir, ni comme blanc, mais comme un de ces êtres hybrides que produisent en grand nombre les migrations humaines.

Il y a un  Blanc en moi, qui peut comprendre Charlotte Rampling, et un Noir qui pourrait la blâmer.

Cette ambivalence est ma fierté et ma grande force. Car elle m’offre l’avantage de l’empathie non sélective, et de ne pas avoir à juger, ni prendre partie pour les uns contre d’autres.

Ca n’est pas que je sois neutre, mais que je préfère opter pour un point de vue plus dynamique.

Peut-être le problème est-il à chercher dans la compétition même des Oscars. Tant que nous serons engagés dans cette lutte darwinienne pour la suprématie (triomphe du rêve américain), éblouis par le Panthéon du succès, il y aura toujours des gagnants, des perdants, des frustrés, des brimés, des haineux, des arrogants, des vengeurs… C’est inévitable.

Le but de la vie humaine ne peut se limiter - ne le savons-nous pas ? - à devenir riche et célèbre !

Pourquoi ne pas explorer d’autres voies, d’autres valeurs ? Le mode de fonctionnement qui a vu s’imposer le mâle blanc comme maître du monde n’a t’il pas rencontré ses limites ?

Mais ne nous y trompons pas, que la domination change de camp, et ce système reproduira les mêmes effets. Une compétition n’est jamais vraiment juste, ni équilibrée, du moins pour tout le monde. Elle est intrinsèquement arbitraire.

Les hommes, les femmes noires, les femmes blanches, les arabes, les infirmes, les jeunes, les vieux, les gros, les moches, les asiatiques, les latinos, hommes et femmes…

Qui souffrira le plus de ne pas obtenir ce qu’il croit mériter ? C’est une lutte stérile et sans fin (absurdité qu’a d’ailleurs soulignée Charlotte Rampling).

Sans doute le temps est-il venu de promouvoir, sans complexe, la réconciliation et la collaboration.

Nul n’est sensé ignorer que les solutions sont désormais à chercher dans nos consciences individuelles.

Nous sommes, plus que jamais, reliés les uns aux autres. Nous opposer ne fait que précipiter notre chute en tant qu’espèce.

C’est une simple question de bon sens.

Alors travaillons à changer de point de vue sur la réalité et développons ensemble les imaginaires qui, peut-être, nous sauveront du désastre annoncé.

Cessons d’investir tant de nos énergies à débattre sur ce que la perversité médiatique nous offre en pâture, et faisons des médias sociaux des lieux de créativité, d’élévation et de poésie.

C’est la prière fraternelle que je ne peux m’empêcher d’adresser à toutes celles et ceux, quels qu’ils soient, qui ont eu la patience de parcourir ces lignes.

HR

25/01/2016

24/01/2016

23/01/2016

CINEMA. El abrazo de la serpiente/ de Ciro Guerra

Photo d'écran de cinéma


L’étreinte du serpent (une coproduction colombienne, argentine et vénézuélienne), réalisé par Ciro Guerra, est un film singulier.

Son décor, la forêt amazonienne, n’était pas apparu sur les écrans cinématographiques, à ma connaissance, depuis la confrontation épique qui avait opposé Klaus Kinski et Werner Herzog, lors des tournages de Aguirre ou la colère de Dieu (1972) et Fitzcarraldo (1982).

Son sujet, un dangereux voyage à travers une jungle hantée des démons d'un colonialisme féroce et de la déchéance de peuples indiens en voie d’extinction, m’a touché tout particulièrement.

Ce parcours hypnotique, où se mélangent époques et personnages nous conduit, dans le sillage d’un chamane irascible, aux fins fonds de contrées terrestres ignorées de nos guides touristiques.

Il nous pénètre tel un rêve qui mène nos esprits entre extase et cauchemar, des rives d’un fleuve imprévisible, au sommet hallucinatoire du sanctuaire montagneux d’une plante magique.

J’ai trouvé pertinent, à notre époque de désillusion néo libérale et de repli identitaire, de rappeler au public ce que le rouleau compresseur impérialiste a balayé de la vie de ces peuples. Et des trésors de savoirs dont il a privés ceux, parmi nous, qui sentent la nécessité de communier avec la nature et d'élever leurs consciences.

Je me réjouis, en ce qui me concerne, de voir se déployer d’autres imaginaires. D’entendre de ces voix surgies de la marge du réel qui nous est imposé.

L’étreinte du serpent est une aventure, belle et poignante, dont le mystère agit avec la force d’un conte philosophique ou d’une légende initiatique.

A voir, à mon avis, de toute urgence!
HR

20/01/2016

19/01/2016

18/01/2016

LIVRE: Juergen Teller/ Siegerflieger



Je pensais m’être définitivement lassé de Juergen Teller. Sur valorisé, omniprésent, son nom, devenu une marque, est incontournable, aussi bien dans le champ de la mode que celui de l’art contemporain. Il n’y a pratiquement plus un magazine qui n’utilise sa notoriété comme caution marketing. Il ne se passe plus un seul mois sans qu'une édition de luxe ne glorifie son talent.

J’avais le sentiment qu’il avait rejoint les rangs de ceux qui, au sommet de l’olympe marchand, s’étaient réduits à de grotesques parodies d’eux-mêmes. Ceux qui répétaient à la demande les formules qui avaient consacré leur succès.

Plus rien ne m’exaltait dans ce qu’il produisait. J’ai donc porté mon attention vers d’autres photographes, plus jeunes et moins reconnus.

Je me suis entiché, en particulier, de Elise Pinelli, une jeune femme d’origine corse dont le talent brut, la fougue et la sensualité visuelle m’enthousiasment.

Ironie du sort, c’est justement Elise qui m’a appelé un soir pour m’annoncer qu’elle tenait à m’offrir le dernier livre de Juergen Teller, à propos duquel elle ne tarissait pas d’éloge.

Un livre dont je savais qu’il décrivait les réactions hystériques du célèbre photographe allemand à la finale qui a hissé son équipe nationale de foot sur le trône de championne du monde 2014.

J’ai accueilli l’offre de mon amie avec mauvaise grâce : « Tu sais Elise, moi, le nationalisme allemand, c’est pas vraiment mon truc. En tant qu’haïtien, je n’ai pas pardonné à la Nationalmannschaft d’avoir humilié mon bien aimé Brésil, symbole d’un art du ballon rond empreint de fausse désinvolture et de rythmique africaine. Et en tant que français, l’idée même de domination allemande me fait froid dans le dos. »

Mais elle a insisté, en m’assurant que ce livre viendrait étayer nos longues conversations et recherches communes.

J’ai finalement cédé en lui donnant rendez-vous dans mon QG parisien : une brasserie de la place de Clichy.

Impatiente, elle a immédiatement posé le livre sur la table. Une photo sans qualité qui présentait, sur un fond blanc, un bout de saucisse luisante débordant de l’amorce d’un écœurant morceau de pain - le tout frappé d’un simple Juergen Teller/ Siegerflieger, à la typo typiquement germanique - faisait office de couverture.

Jusque là, rien de neuf. Du grotesque, de la provocation et une allusion sexuelle grossière, pop et vulgaire. Le genre de pseudo humour photographique qui me laisse parfaitement froid.

Ensuite, Elise m’indiqua son passage préféré du livre : précisément celui du match de foot !

J’ai été immédiatement surpris de ne pas y retrouver la qualité photographique habituelle. La saturation des couleurs, la facture argentique subtilement onirique de la pellicule PORTRA flashée (marques de fabrique « tellérienne ») ayant fait place à la banalité uniformisée de l’image numérique.

Les photos déclinaient une succession de cadrages montrant un Juergen Teller grassouillet accompagné d’un groupe d’enfants et adolescents (son fils, préadolescent, et ses neveux) en train de réagir au visionnage de la finale. Tout y passait : grimaces, contorsions, hurlements de joie ou de dépit. Les corps se déchainaient, possédés par l’intrigue du match.

Le photographe et sa famille, rassemblés dans un restaurant (probablement italien) pour partager l’intensité de ce moment, s’y défoulaient dans l’apparente ignorance de la présence de l’appareil.

Les photos se succédaient, de page en page, dévoilant les réactions du groupe aux diverses actions du match, jusqu’à l’hyperbole consécutive à la victoire.

Les protagonistes pouvaient déborder du cadre, ou se déplacer jusqu'à défier les capacités de mise au point de l’appareil. Il arrivait que 4 ou 5 doubles pages ne montrent que d’infimes variations temporelles, rappelant les performances techniques du moteur du Canon 5D.

Le langage des corps, indépendant de toutes conventions esthétiques ou sociales, exprimait les émotions les plus extrêmes.

Les relations entre les différents personnages (en particulier Juergen Teller et son fils), et l’étrange chorégraphie qui les rapprochait dans les moments cruciaux, étaient simplement fascinantes.

Le photographe, qui laissait s’exprimer son âme enfantine, y communiait avec celles de son fils et des autres. Ils s’embrassaient, s’agrippaient les vêtements, se prenaient par l’épaule. Les auréoles de sueur qui assombrissaient les aisselles du tee shirt gris du photographe lorsqu’il levait les bras au ciel, accentuaient la sensation de trivialité que dégageait la scène.

J’en oubliai ce maudit match, pour porter mon attention sur cette danse, cette transe. Les visages et les corps débordaient, ignorant joyeusement toute retenue.

Le photographe avait atteint un nouveau stade dans la mise en scène de son intimité. Dans ce moment d’exultation, n’était-il pas pleinement lui-même ? L’homme, le père et l’enfant unifiés dans un corps trop bien nourri, mais extraordinairement vivant?

Cette explosion était révélatrice, non seulement de l’énergie libérée, mais de l’amour charnel qui liait le père à son fils, qui fusionnaient dans le bonheur d’un moment de grâce.

Vers la fin, l’un et l’autre s’embrassaient sur la bouche, dans un baiser fougueux, plein de reconnaissance mutuelle.

Elise ne s’était pas trompée, lorsqu’elle avait pressenti que je m’identifierais à cette manifestation spectaculaire du Masculin, partage et transmission transgénérationnelle d’un rite moderne, commun à tous les peuples de la terre.

Sous ses airs assumés de « beauf » allemand, Juergen Teller est décidément un immense séducteur, aussi rusé qu’irrésistible.

En exprimant ce qu’il est, en toute authenticité, il a le talent rare de flirter avec l’universel.

Un parcours rapide du reste du livre, tout entier voué à la « germanité » de son auteur, me dévoila l’environnement d’un enfant du pays, issu de la classe moyenne allemande. Toujours des corps en mouvement, de la bière, des montagnes de charcuterie et l’humanité de gens simples, décrits sans fard, avec une empathie non feinte. Car sa famille, ses voisins et amis, aussi bien que ses préoccupations quotidiennes, semblent aux antipodes des obsessions de la mode et de l’art, où il s’est imposé en iconoclaste célébré.  

Dans ce livre de photographie (sans le moindre texte) Juergen Teller fait une fois de plus la démonstration de son agilité conceptuelle et de son engagement dans sa pratique. Il écrit son histoire, comme on rêve sa vie, avec ses sens et sa chair. Son caractère incandescent nourrit sa singulière sensibilité qui questionne l'identité masculine et abolit la distance voyeuriste séparant le photographe de son sujet, l'art de la vie.


Bien vu Elise !

HR

17/01/2016

15/01/2016

14/01/2016

12/01/2016

11/01/2016

10/01/2016

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08/01/2016

06/01/2016

05/01/2016

03/01/2016

CITATION: On photography


« All such talismanic uses of photographs express a feeling both sentimental and implicitly magical : they are attempts to contact or lay claim to another reality. »
Susan Sontag

BELLE ANNEE A TOUTES ET A TOUS !!!!
With love,