29/09/2013

PHOTO. Pauvres images

« Les photographies, qui ne peuvent rien expliquer par elles-mêmes, sont d'inépuisables incitations à déduire, à spéculer et à fantasmer ». Susan Sontag

Toute forme d’art est une célébration de la vie.
Les meilleurs livres en contiennent le souffle. Certains films parviennent à en créer l’illusion. La bonne musique nous transporte dans les espaces éthérés de l’immatériel. La peinture la plus inspirée transfigure les oscillations de l’âme en percutants aplats visuels.
Mais la photographie, confinée à son modeste cadre, ne nous en livre qu’un pâle reflet. Elle n’est qu’un théâtre d’ombres, de lumières, de formes et de couleurs, un entrelacement de codes et de signes plus ou moins lisibles, qui se jouent du réel en le travestissant.
Car, disons-le, la photographie n’est qu’un ersatz bidimensionnel de la réalité, un medium au talent médiocre.
Selon moi, sa vraie beauté est à chercher dans sa faculté de dissimilation. Une photo sélectionne, élimine beaucoup plus qu’elle ne montre. Le vivant agit paradoxalement hors de son champ, dans sa périphérie. Il se devine, se sent, mais demeure invisible, ne sollicite notre vision que par induction.
Il y bien longtemps, j’ai appris que toute bonne photo devait inclure l’équation suivante :
Le rapport entre signifiant et signifié tend vers 1.
Aujourd’hui, j’affirmerais plutôt :
Le rapport entre signifiant et signifié tend vers l’infini.
L’infini des possibles, je veux dire, celui de l’imagination.
Les photographies s’inscrivant dans une authentique expérience vécue contiennent l’énergie vitale de leur auteur, tout en répercutant, par résonnance, le mystère qui réside en toutes choses.
Leur magie opère, principalement, dans ce qu’elles soustraient au regard.
Appréhender les photos sous cet angle c’est s’ouvrir les portes d’une plus vaste perception. C’est se libérer du déterminisme de la forme pour activer un imaginaire bien plus proche du vivant que ne l’est l’image elle-même.
Les photos les plus  fortes nous entrainent vers des territoires qui excèdent largement leurs dénotations.

HR

Parking de l'aéroport de Yaoundé, en arrivant au Cameroun,  en 2002